Une fleur parme
C'est de la faute à ces soleils charmeurs qui ont réchauffé ma peau de rayons suaves.
C'est de la faute aux nuages presque blancs, et aux oiseaux que j'ai vus dans les arbres, ceux à la gorge rouge comme un brandon. Ils chantaient, les cons, comme Ferré, sur ces gestes des pauvres gens.
C'est de ma faute, je sais bien.
J'y croyais, à cette saison nouvelle, froide et claire, où rien n'empêche la tête des jonquilles de soulever le sol dur de gelée. Comme un printemps. Avec ses stupides violettes qui parfument les jardins publics.
Mais voilà, c'est arrivé comme ça. Un putain de brouillard a franchi le col de ma mémoire. Une nappe gluante, opaque, froide, si tu savais comme j'avais froid, qui a givré mon regard. J'ai vu flou, j'écarquillais les yeux de toutes mes forces, mais je voyais toujours si flou... Alors la peur s'est abattue. La peur qui glace la vie, qui fait comme un caillot dans la poitrine, comme un filet d'eau qui s'épuise loin de sa source.
Parce que tu n'étais pas là, tu comprends, dis ?
J'étais dans cette robe en voile doux, parsemée de fleurs parme, cette robe légère que tu aimais. Parce qu'il fallait que je sois belle, pour notre adieu. Et je flottais dans un rire si léger. Je respirais encore ton parfum de poire verte, sa peau poudrée, son goût âpre.
Je voudrais tellement oublier. Tout dissoudre dans des rires. Et rester debout, bien droite et fière, et faire aussi tant de choses qui les tromperaient tous.
Tu sais pourtant que j'ai tout fait. Je croyais qu'il fallait tout faire, comme si... Même abandonner ma peau à des mains impatientes et tendres. Et jeter au loin ce poids qui courbe jusqu'au sol la joie, le jeter ailleurs, plus loin encore que dans mes mots. Là-bas, dans le silence et l'aveuglement. Surtout ne plus penser à toi. Oublier cette chaleur irradiante dans tes bras, cette douceur salée de ta bouche aimante, cette paix dans ton regard déposé au creux du mien. Oublier le bonheur intense de nos corps enchevêtrés, de nos rires égrenés, de...
Tu me manques tant.
J'ai peur loin de toi. J'ai peur de disparaître dans ce nuage épais de givre, ce brouillard opaque qui dissout les murs familiers de ma vie, qui me laisse telle une étrangère dans des bras qui ne me serreront jamais assez fort pour t'oublier.
Que m'as-tu volé ce jour là, où je suis partie, dans ma robe parsemée de fleurs parme ?