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Eau vive
20 novembre 2009

Mue

          Je le sais bien, nous ne faisons plus l'amour. Oh non, ce n'est pas ce mot là... tu as écrit "nous ne sommes plus amants"... quel mot coupant, quel mot cru. Pour nous, ce simple mot là.
Je l'ai décidé, pour laisser à l'inconnu "un possible". Tu vois, je suis bien optimiste. Et je sors, j'ai plein d'amis, tu sais. Plein.
Des vrais amis, qui m'aiment, et qui ne savent pas pourquoi j'ai parfois cette étrange tristesse qui me voile.
Mon corps le sait, qui laisse sa peau s'écailler de ne plus s'adoucir à tes paumes. Ma bouche le sait qui ne se gonfle plus de tes morsures. Moi tout entière le sait.
Te donner mon corps était trop facile. Et je me mépriserais encore et encore de me contenter de ce rien qui est si doux. Alors j'ai choisi.
Mais l'amour ne s'est pas évaporé de ne pas te posséder dans ta nudité... L'amour a perduré, au fil de nos mots,  de nos repas, de nos balades. Entre deux verres de bon vin, et quelques livres si rares que tu sais choisir pour moi.
Chez toi l'amour a mué.
Et j'en crève de ne même plus avoir ce cadeau merveilleux d'être, au moins, aimée autrement.

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19 novembre 2009

Enduit

Alors j'ai pris la truelle, celle dont le tranchant est parfait, celle au reflet lisse. Et j'ai remué la poudre blanche qui tourbillonnait dans l'eau. J'ai revêtu le tas posé au sol, collé de vieilles plaques de ciment, froid, et à l'odeur douceâtre de vieux plâtre.
J'ai tiré l'échelle. Et étalé l'enduit. Lissé, tiré, taloché, spatulé. 
Je parlais au mur tout cabossé des âges anciens. Lui disant doucement que j'aimais ses failles, que cette pâte onctueuse dont je poudrais son teint le rendrait juste un peu plus lisse, mais pas trop. Qu'il garderait ses rondeurs, son petit air penché que j'aime tant. Je lui disais que j'aimais le caresser de mes mains, en fermant les yeux, sentir ses aspérités, son odeur si particulière.
Quand je n'ai plus senti la douleur dans les bras, celle qui vrille le pouce droit, quand le froid a fini de raidir ma nuque, quand j'ai enfin oublié les heurts du temps qui passe, quand le mur au plâtre rose et bleu a été moucheté de blanc, alors j'ai pleuré. Sans sanglots, presque sans larmes. Juste avec le regard brûlant.
Et j'ai rangé les outils. Sucé la plaie au rouge salé.
Le temps creuse ses failles en moi et me laisse courbée, sans ses mains pour m'apaiser.

19 novembre 2009

Étain

Dans ses yeux j'avais disparu.
Une  cataracte avait terni ce reflet où je me trouvais si belle. Avant. Il y a longtemps.
Dans ses yeux, mes hanches en filigrane s'étaient dissoutes, et l'acide avait rongé le solfège où mon amour jouait une partition à quatre mains.
Dans ses yeux  plus de carafe de cristal où les liqueurs s'évaporaient en parfum d'ambre.
Dans ses yeux ... Je ne suis plus rien.
"Une amie", m'a-t-il dit. "Puisque nous ne sommes plus amants, quoi d'autre ? "
Et mon cœur s'est éteint.
Gris, mat et terne.
Broc d'airain, broc d'étain.
Si froid.
Soudain.
Dans mes yeux le sable frotte le glacis de mon amour toujours si doux. 

Note du traducteur
Aimer un Toi marié à une autre que Moi, et refuser de poursuivre ce chemin où nos corps se mêlaient depuis tant d'années. Refuser, pour continuer à s'aimer soi-même.

17 novembre 2009

Son âme ronde

Ma main sur ses arrondis, comme une amante, lissant de crème blanche ses flancs.
La lumière s'y reflète comme un ruisseau qui vagabonde, fuyant le rectiligne, se courbant en ondulant.
Je lui parle, caresse ses plaies, suit du bout des doigts les cicatrices qui la parent. Parfois je m'y cloue de tout mon corps, écartelant mes bras pour mieux la vivre en moi.
Je vis une histoire d'amour avec les murs de ma vieille maison. J'entends les échos des générations qui l'ont façonnée tour à tour, je panse les coups qu'elle a reçus. Je l'aime. Comme un ancêtre, comme une vieille femme dont le parfum un peu poussiéreux m'apaise. Je l'aime pour toutes ses rondeurs, ses éclats de cellulite, ses fractures.
Je la console de mes gestes qui la dénudent. Je veux la laisser belle pour ceux qui l'accompagneront. Je dois partir. Je dois fuir  un jour cette vie si rectiligne où je me cogne.
Et laisser cette maison dont l'âme ronde me sourit.

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