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Eau vive
27 octobre 2009

Vestiaire

Ce matin je l'ai vu, qui se dandinait sans aucune décence dans le soleil levant. On ne voyait que lui.
Il s'est maquillé comme une folle ; son corps mince drapé de blanc cru, parsemé de quelques éclats dorés pour rajouter dans le clinquant. Mince et effilé, il a même un petit air efféminé. Tout en haut de sa tête, certainement pour fêter Halloween avant l'heure, il portait une perruque blonde flamboyante, qui ondoyait au moindre souffle. Quelle allure !
Lui qui incarne la sagesse a revêtu aujourd'hui une tenue de folle.
Mon bouleau a mis sa tenue d'automne.

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23 octobre 2009

Qu'importe

Ne plus attendre, ni prétendre.
Ne plus avoir faim, soif, plus la peau resserrée sur la chair, au bord de la grève d'un lit trop grand.
Oublier les paillettes lumineuses au coin des iris dans un regard, les narines frémissantes de l'odeur unique et exquise, les caresses comme un nuage, comme un mistral.
Ne plus croire au noir de la nuit, au soleil de minuit qui éclaire mon sommeil trop profond pour être vrai, et maudire les étoiles en paillettes dans le seul reflet de mes yeux.
Qu'importe.

22 octobre 2009

La facture du bourreau

Je vous ai dit "non". Pour que vous compreniez bien que je croyais plus à rien. Non, je ne suis pas prête à prendre un crédit pour cela, à affronter de nouvelles douleurs, de nouveaux risques. Non, je ne veux plus vivre dans l'angoisse d'une douleur étrange qui vrillerait mon sourire. Plus cette  peur de l'os rongé par des germes. 
Non, je ne suis plus capable de supporter le supplice d'il y a trois mois. Quand je suis arrivée chez vous, les yeux bouffis de larmes, la tête comme un nerf chauffé à blanc. Je ne veux plus devoir imaginer alors combien de temps j'aurai tenu avant d'avouer. Si vous aviez été bourreau.
Mais qu'étiez-vous d'autre alors ? Je m'accrochais, démente au souffle court, le visage inondé, laissant des râles s'échapper. Je gémissais sous les douleurs insupportables qu'il avait pourtant fallu supporter. C'était trop important. Trop... Il fallait le faire, même sans anesthésie.
Et quand j'ai saisi le dérivé morphinique, que j'ai avalé en tremblant, pitoyable bouche ensanglantée, j'ai su que jamais plus.
Depuis je cicatrise. Et je répète sans férir "non" à vos propositions. Non, il est trop tard, l'os friable se casse parfois. Pour rien. En respirant.
Et je supporte. Les plaies et ces prothèses rigides qui les blessent encore plus. Je supporte. Je supporte, car ces douleurs là, je les reconnais. Ce ne sont que des plaies.
Vous avez oublié, à trop me soigner, la compassion. Et je ne vous vois plus que comme mon bourreau.
Il m'aura fallu du temps pour le comprendre. Le temps d'un regard, aux urgences, avec ma joue tuméfiée et mes yeux aux pupilles dilatées de trop de comprimés. La compassion, comme la caresse du soleil. Malgré le temps qui lui était compté, elle avait pris la peine d'un geste sur ma joue, d'un sourire, d'une phrase pour m'absoudre de mes regrets. Ma décision était la bonne. Oui, il me fallait le faire. Elle l'avait dit, si doucement, avec tant de regrets pour son métier et tant de compassion pour mes douleurs.
Bientôt nous avons rendez-vous, vous qui attendez que je sois courageuse, comme d'habitude. Puisque je dis "non". Je ne changerai pas de bourreau, vous connaissez mes os, mes cicatrices comme personne. Je sais les nouvelles plaies, à venir les nouvelles douleurs. Je sais.
Je vous dois combien ?

21 octobre 2009

Un bonheur à l'envers

Je le sais bien, qu'il est radin. C'est mon chef, et il a ce travers - qui s'accentue - c'est vrai. Vous pestez de me voir amener  une poche de croissants chauds, qu'il dévore avec cette concupiscence étrange du double bonheur de la gourmandise et de la gratuité.
Mon chef a un oursin dans la poche. C'est rigolo et tellement étrange ! Je continuerai à sacrifier quelques euros,  pour embaumer parfois nos cafés de viennoiseries. Que voulez-vous, je sais combien il gagne, et combien sa femme gagne... Mon salaire est multiplié par quatre. Ou même par cinq.
Mais moi je n'ai pas mal de quelques euros dépensés en échange d'un café gourmand.  C'est lui qui connaît cette étrange jouissance de ne pas donner. De se sentir riche sans aucun soupçon de culpabilité.
Chef à moi vole les sachets de sucre dans les bistrots. Depuis que je n'achète plus son kilo de sucre il est fier de remplir ses poches de ces petits tubes laissés sur une table. J'ai un peu honte, alors, mais il rit quand les autres se moquent avec mépris de lui.
Mon chef a chaud de sa main enfouie loin de la monnaie au fond de sa poche.
Il a chaud de ne rien offrir.
Comme un bonheur à l'envers.

20 octobre 2009

Ivresse

Écrire, tant que je suis plongée dans l'ivresse, tant que mes doigts trébuchent en riant devant le clavier. Écrire dans la brume étrange du troisième verre, celui de trop.
Le maudire, qui dit me voir redevenir petite fille. Pas jeune femme, a-t-il précisé, petite fille. Et il rit. Et je rougis. Plongée dans le souvenir de celui que j'ai aimé, aimé, aimé... et qui me disait "tu ne me parles plus de ta petite voix", comprenant alors que l'amour s'évaporait de ma gorge de femme.
Écrire, encore nimbée de ce flou qui enserre tout, de cette ouate où je me sens si bien. Si doux, si chaud, si loin de tout.Rire même de ces gouttes bouillantes qui frôlent mon doigt, de cette petite flaque d'eau autour de ma tasse de café brûlant. Tenter de disperser le flou, le pas net, le pas vrai ou le trop vrai.
Je n'aurais pas du boire ce verre de trop. Même si tous rient de me voir bafouillante, bégayante, toute entière moelleuse dans mes mots. Avaler la tasse de café, respirer comme au sommet de la montagne.
Souffler.
Café. Vite, que l'ivresse s'évapore.
Maudit alcool, maudit vin blanc qui fait tourbillonner les jupes de ma décence.

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15 octobre 2009

A bicyclette

Les yeux parés de givre et le nez humide, mitaines qui enlacent les doigts, bonnet doux aux oreilles, et les glands secs qui crépitent sous les roues du vélo, le temps d'un matin comme dans une forêt noire.
Tout autour, le ciel de drap marine troué de brandons brûlants, les lampadaires dépliés dans un halo mousseux, heures froides et blanches et noires, où le temps s'emmitoufle.
Repliée autour de la chaleur de ma peau, à l'affût de la morsure d'un vent coulis qui brûlerait mes bras de frissons glacés, tout devient alors comme quand vient la nuit, quand la main tâte le drap un peu trop froid, que le corps se roule en boule,  bouillotte de chair nue.
Là-bas tout au loin, très loin, le rose et le violet, encore tout délavés, dessinent la naissance de l'astre.

14 octobre 2009

Châtaignes

Cheveux

13 octobre 2009

Pêcheuresse au hameçon vide

Au bord de l'eau, éclaboussures de gouttes, plein les yeux, attendre, gonfler d'étranges bruits la gorge où remonte le cœur enflé de vide. Au bord de la rivière, torrent, éclats d'écumes, mousse sploutch sous les doigts, et ce froid un peu visqueux qui granule la peau.
J'attendais, pêcheur de rien, avide de mots vif-argent. Patiente pécheresse au corps écartelé entre cœur et peau. Sang et soie, frissons chauds, l'eau comme une mare où fermentent en bulles putrides mes questions sans écho.

(...) Voilà, j'ai eu envie de partager ma joie avec toi, sans des questions sur la misère humaine.
La bouteille de Champagne est toujours au frigo... alors si tu le  veux ? (...
)

La misère humaine,  celle qui s'accroche à moi, à mes envies d'aimer.
Misère humaine où les mots  qui se planquent m'écorchent,  petit ver vif qui se tortille à en crever au bout de son hameçon de questions.
Douce douleur de n'être que celle avec laquelle on boit du Champagne.
Si je veux ?
Me donner et recevoir de la joie en partage ?
Me donner et jouir ?
Me donner et me perdre ?


8 octobre 2009

Château de sable

J'ai en mémoire mille feuilles d'émotions.
Mille parfums surannés, mille plans de vie tracés aux creux de paumes caressées.
J'ai sur ma langue les peaux poivrées, les bouches sucrées, les sexes salés.
Pour toujours leur goût unique, qui s'est gravé dans mes papilles.

Je n'ai pas oublié la douleur d'entendre leurs cris d'amour qui n'étaient que des cris de jouir.
Et leur regard qui se penchait sur la courbe de mes hanches pour éviter mes yeux humides de chagrin.
J'ai voulu effacer l'empreinte de leurs mains avides de me prendre, leur désir si mécanique, leurs besoins éphémères.
Et crever de la tête d'une épingle rougie ce ballon plein de mots d'aimer, ce ballon trop lourd pour eux, que je retenais du bout de mes doigts.

Oserais-je rebâtir, encore et encore, un château sur la grève mouillée de la marée ?

7 octobre 2009

Sans un geste

C'est la première fois que je mangeais avec elle. Deux travailleurs lors de leur pause méridienne.
Elle qui file sur son vélo, délaissant les dossiers d'accueil de SDF. Elle, confrontée au pire de notre société.
Je regarde ma fille, cette inconnue si familière, et une vague de tendresse fière m'envahit devant cette jeune femme éblouissante.
Depuis qu'elle a trouvé sa voie, elle avance à pas de géant. Son mémoire ? Il n'y a pas que le jury à l'avoir trouvé remarquable. En le corrigeant je reconnaissais son parcours : philo, sciences de l'éducation, bénévolat, engagement politique, tout y était en filigrane. Elle n'a connu de pause que le temps d'un week-end,  le CCASS l'ayant engagée dès la remise de son diplôme. Elle dit avoir de la chance, et eux pensent de même.

Je crois qu'elle a tant appris à écouter, à se détacher des émotions primaires, que je me suis sentie apaisée devant cet enfant qui n'en n'est plus un.
J'hésitais à franchir ma honte, à lancer ma bouteille d'encre à la mer, moi qui suis sa mère.
J'avais honte. Honte d'avoir été si fière de l'avoir présenté à eux tous, la fratrie réunie. Honte d'avoir cru que...
Maman, ne regrette rien, tu as le droit d'avoir besoin que l'autre te parle. Un couple, ça ne se construit pas que lors de week-end, ça se parle, ça se projette. Ne regrette pas.
Dans ses yeux il n'y avait aucun jugement. Dans sa voix juste le reflet de son propre couple, avec leurs mots tout autour.

Aujourd'hui, ma fille, tu m'as pris dans tes bras pour bercer mon chagrin. Sans un geste.

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