Un ogre si doux
Il y avait le clapotis de l'eau dans la bouillotte. J'étais si bien, là, doucement lovée autour de sa paroi si chaude et moelleuse. J'étais l'enfant qui n'a plus peur de l'abandon, les yeux clos, contre le sein de sa nourrice gonflé de lait tiède.
Et il y eut le bruit mat de ta larme qui est tombée. Là, elle a coulé, presque sans un bruit, comme si un désert l'aspirait. Je crois que c'est juste le soupir salé de ton chagrin que j'ai entendu.
Alors j'ai serré encore plus fort ma bouillotte de caoutchouc. Ma bouillotte en joli leurre recouvert de polaire douce. Bleue, avec ses pois multicolores qui faisaient semblant de jouer à être gais.
Et toi, vêtu de noir, avec cette saleté de trace humide sur ton visage. Mon coeur se serrait de plus en plus fort contre ma bouillotte. Barreaux de prison qui clapotaient, menottes duveteuses pour retenir tout geste vers toi.
Je ne pouvais pas. Non, non, non. Si je t'avais pris dans mes bras, tu aurais pleuré. Vraiment pleuré. Pas laissé un saleté de goutte se croire larme.
Et j'aurais éclaté en sanglots de te laisser croire que tu pouvais endormir ta peine au creux de mes bras.
Parce que le chagrin qui me dévore est un ogre qui n'aurait pas résisté à l'envie de te broyer toi aussi.