Araignée de nuit
Je ris avec eux, bien sûr que je ris. Même si parfois je me moque discrètement de leurs propos. Ils sont ainsi, banals consuméristes de chair triste. Ils soupèsent des yeux, calibrent, marchandent de propos très légèrement graveleux, sans trop, surtout sans trop... afin de ne pas faire fuir la proie tout entière révélée à leur désir primaire.
Et je ris moi aussi. Moi qui voudrais tant qu'elles se respectent davantage, mes sœurs, femmes comme moi.
Mes sourires sont amers devant leur bassin qui frétille, leur langue qui pourlèche le vernis de leurs lèvres fardées. Je soupire et jauge pourtant de mon regard féminin le balancement du fessier, le rebondi aguicheur de seins habilement dévoilés. Je ris et me vomis. Je suis le chasseur et la proie.
Et quand leurs mains se posent sur moi...
Et quand je ne sais plus dire non, pour ne pas toujours creuser mon matelas d'un seul côté, pour ne pas oublier, pour l'hygiène amer d'un corps qui se desquame, quand cette heure inéluctable sonne le glas...je laisse ma peau se scarifier sous leurs caresses vaines. Je ne jouis pour personne qui serait semblable à vous, mon amant d'un soir. Cela me souillerait plus sûrement encore que l'écho de mon rire à vos côtés lors de cette soirée où les femmes n'étaient que viande de supermarché.
Quel morceau étais-je à vos yeux dégoulinant de désir ? Du rond de gîte ? un filet mignon ?
Vous hésitez ?
Je vais vous le dire, je suis ce morceau que l'on nomme araignée...