Encore debout
La peine insidieuse suinte d'odeurs acides, pendant que les tourments taisent leurs hurlements viscéraux. Ce n'est rien. Un chagrin en flocons de ouate douce, en ruban de vieille dentelle qui jaunit et se délite inexorablement. Cela me colle à la peau, à l'humeur, cela me tatoue le sourire de ricanements silencieux.
J'ai la haine qui se déguise en amour, la peur de vivre en rage à vivre.
Et je casse de mes ongles la croûte de terre qui a durci, plonge mes doigts dans l'argile sèche, écorche mes empreintes sinueuses sur le gravier aigu. Tentant de blesser mes chairs pour oublier cette douleur qui déchiquette les bonheurs simples.
Je l'entends.
Elle s'approche de moi, froide et chuintante, de son pas feutré.
Non, je ne veux pas que tu viennes, s'il-te-plaît. Je ne suis pas prête, pas ce soir, pas là, c'est encore trop dur.
Le tempo de ma peur chavire au rythme de son pas de loup, sous la lumière dorée de la lune. Et mes paupières se soudent pour rassembler mes forces et me taire devant elle.
Sa main brutale se colle à mes seins, broyant mes poumons jusqu'aux osselets de mon dos. Je n'ai pas encore assez mal, j'ai peur, juste ça. Elle me broie, lentement, si lentement, et mon souffle s'affine en un sifflement rauque. Jusqu'à la souffrance qui submerge en un tour de rein la digue illusoire. Elle a gagné.
Au creux de la nuit, pelotonnée dans la tiédeur moite de mon corps recroquevillé, je laisse les sanglots épais déchirer mes rêves.
Demain je serai debout.