Plume sèche
Tu griffes la page de la pointe d'acier, mais elle ne saigne pas, crisse un peu de ses fibres arrachées et te laisse désemparé. Tu la froisses dans un bruit de feuilles mortes, mais elle ne résiste pas et te lasse. Tu la jettes loin de toi et ce n'est qu'un son mat qui te rassure si peu. Alors tu la déchires, en bandelettes fines, une à une dans des soupirs feutrés. Mais la page en lambeaux ne t'as pas apaisé.
Déjà épuisé, tu te lèves et tu hurles à la blancheur du ciel que tes mots doivent aller plus haut, flamber leurs douleurs près du soleil. Et tu attends la nuit pour crever de ton hurlement ce plafond d'un bleu si noir.
Tu attends, la voix éraillée, les yeux emplis de sable de ne plus vouloir se fermer. Tu attends. Ta gorge suinte d'un acide qui la ronge et ta bouche se craquelle de soupirs brûlants.
Tu attends, et tes doigts crispés enfoncent leurs ongles dans la chair tendre de tes paumes, et tes muscles cristallisent ta haine en aiguilles.
Hurle, va, si tes lèvres blanches en savent encore l'écho assourdissant.
Tu te rassoies devant le clavier aux touches noires. Et tu frappes. Comme un fou, tu scandes tes silences en sons mats et étouffés. C'est ta symphonie, ton ultime récital. Tu n'as pas encore compris que tu étais devenu sourd à la vie qui bat son tempo.