Nid vide
Son image s'était découpée en contre-jour, dans la rue étroite qui peinait à s'arrondir. Elle avait regardé la silhouette, ne pouvait plus détacher son regard de ce balancement un peu lourd, de cette nuque épaisse. La lumière disparaissait des murs de pierre, des trottoirs, il n'y avait plus que l'image en ombre chinoise qui se détachait du flou. Elle n'osait plus avancer de son pas rapide, de peur de le voir tanguer et disparaître. Elle ne respirait plus, écoutait les martellements qui oppressaient sa poitrine.
Pourquoi était-elle là ? tellement emplie de ce vide ? La vue, le goût, l'odeur, tout ce qui était, était encore imbibé de lui. Il l'avait dépouillée de ses sens, de sa fierté. Elle avait courbé la tête, s'accrochant à en pâlir les jointures à ce rien qui l'obligeait à vivre. Elle avait perdu ses désirs, avait égaré sa joie. Était-ce cela, vivre ? même pas survivre, qui l'aurait portée de sa rage.
La silhouette s'amenuisait au loin, elle tourna brusquement le dos et partit.
Ses mains étaient vides. Le temps où des doigts les enserraient, ce temps-là avait fini par fuir ses souvenirs. Elle tourna sa main vers le ciel ; regarda la paume, au creux tiède comme un nid. Une larme roula au dedans. Et sa langue en lécha le goût salé.