Autophage
J'ai le coeur qui a faim, et ça gronde dans mes cotes comme un train fantôme de fête foraine. C'est assourdissant, un coeur qui a faim. Ça se contracte et se tord, sécrète de l'acide pour mieux digérer la bouchée à venir. Ça attend patiemment. Le coeur qui a faim est raisonnable. Il ne prend qu'une bouchée, une seule, pour éviter la nausée fielleuse; il a dû mourir, dans une autre vie, d'une overdose.
J'ai le coeur boulimique, entre deux anorexies. Ce doit être l'instinct de survie qui lui creuse l'appétit, de temps en temps, avant que les ventricules ne percent la paroi amincie.
J'ai le coeur dévoreur.
Faut qu'ça saigne, faut qu'ça tranche, faut qu'ça palpite encore.
J'ai le coeur autophage, qui ne se dévore que peu à peu, pour ne pas mourir trop vite.
Et ça fait mal.