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Eau vive
24 juin 2007

Un regard étrange

Je m'étais assise à la tablée cosmopolite de cette auberge espagnole. Le casque et le blouson rangés, le sourire dépoussiéré des ailes de moucherons, la certitude d'être attendue et accueillie en amie. J'avais déballé le cake salé, distribué les arachides simplement grillées, le gingembre confit. Ils étaient de partout, de la Réunion et de l'Ariège, de l'Afrique de nulle part. Et moi, parmi eux.

Jetant son encre vers les cieux
Suçant le sang de ce qu'il aime
Et le trouvant délicieux
Le monstre inhumain
c'est moi-même !
G. Apollinaire

Une soirée étoilée des brandons d'un feu follet, une soirée aux musiques arabes, au parfum rougail, aux poètes disparus, au vin frais et aux glaçons chantants.
J'avais vu son regard, à l'homme à la barbe grise qui aime tant le tango argentin. Son regard, quand nous parlions de tout, de rien, de l'amour et du sexe, des livres et des hommes, de la vie qui va et de la mort qui vient.
Mais je ne savais pas qu'il m'avait vue, derrière mon blouson aux plaques rigides, qui empêche les routes de laisser les gravillons de se planter dans les chairs. Il m'avait vue. Nue comme au jour premier, monstre inhumain de transparence, cachée dans une encre qui se trace, qui s'efface. Et me l'a écrit ce matin.
Il y a des gens, à la barbe grise et au regard étrange et pénétrant,  dont je suis heureuse qu'ils ne sachent pas que j'écris ici ce qu'ils n'ont nul besoin de lire pour tant connaitre de moi.

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