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Eau vive

16 décembre 2008

Clepsydre

Je suis le bol de poterie vernissée, mesurant les siècles en fêlures. La louche en métal étamé ternie du calcaire du temps. Je suis le poing resserré et le bambou évidé, peu à peu blanchi.
Celle qui se laisse saisir, en filet d'eau salée.
Je suis dans un temps en goutte à goutte évaporé depuis trop longtemps. Un désert ignoré des cartes terrestres, petit point doré que seules les étoiles mortes, au loin, là-bas, dans leur espace glacial, reflètent comme braise.
Je suis petit rien, attente bruyante d'éclats factices, bulles crépitantes de gaz alcoolisé. Petit rien, en mèches soyeuses et main moites.
Mais je suis tienne, et vole un instant du temps s'écoulant dans le sablier tapi au fond de tes yeux.

L'Océan goutte à goutte en sa clepsydre pleure;
Tout Sahara, tombant grain à grain, marque l'heure
Dans son effrayant sablier.

HUGO, La Légende des siècles

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10 décembre 2008

Tranchée par moitié

- "Laide comme un pou"
- "Jolie comme un cœur"
Quand, en 48 heures, deux amis déposent dans ma hotte deux avis aussi différents...
Je souris d'être laide, ce qui doit me rendre jolie.
J'ai donc choisi. Tranché plus précisément... sans savoir si les parts sont égales... cela devra dépendre de l'appétit d'autrui. Parce que cela ne nourrit pas Ego, ces avis couleurs amis. Seul m'importe l'éclat gourmand d'un amant, l'éclat terne ou scintillant dans sa prunelle quand je peux y deviner mon visage... Pou ou cœur ? Faim ou non ? Gourmand ou avide ?
- "Laide comme un nappage parsemé de vermicelles multicolores goût crottes de souris"
- "Jolie comme un cœur au chocolat fondant".
Bon, je crois que je vais choisir un fromage blanc au miel.
Et devenir jolie comme un cœur de pou.

30 novembre 2008

Le pêcheur

De ses doigts harpons
dans les eaux chaudes et salées
le pêcheur fouillait la grotte secrète.
De ses doigts hameçon, déchirant le secret tissé de silences émus
en ondes troublées, l'écume emporta des écailles qui se ternissaient.
Tu ne seras jamais l'hôte de ma grotte chaude, pêcheur, tes mains en prémices, ne furent qu'un hameçon qui cherchait à m'empaler comme poisson à éventrer.
Il allait m'écouter quand je te disais ne pas aimer le poisson... peut-être te serais-tu fait pêcheur de papillon ?

31 octobre 2008

Lumens

Les mots sont pourtant là, qui se terrent, enrobant de leurs échos sirupeux les ruelles molles de mon cerveau. Ils me collent aux rêves, s'emmêlent en boucles drues que je me refuse à démêler. Je lutte, déploie des silences violents, en étendards.
Aujourd'hui, pour la seconde fois cette semaine, quelqu'un a parlé de cette "autre voix". Celle feutrée, grave à en être de velours milleraies. Mon autre voix, je sais, oui, je la connais bien, qui me laisse un sourire au bord des yeux. Puis des larmes parfois. Lui,  ignorant de moi, l'appelait "ma petite voix". Il ne savait pas toute la paix  grondante, éraillée d'avoir crié des peurs vaincues pour un instant.
Je n'aime pas que l'on parle de cette voix là, qui me dénude jusqu'aux soupirs.
Je vais devoir te mentir, dire une rage de dents, pour te mentir ma rage en dedans, enflée de ce dégoût de moi qui parle dans mon dos d'une petite voix.
Je veux me taire.
Je me terrai.
Mes lumens ont une autre voix.

9 octobre 2008

Cœur d'argile

Il est ce squame que je décolle, par habitude, sans même remarquer la plaie qui suinte. Comme ces cicatrices anciennes, fils nacrés qui tracent les chemins de la vie, et qui lancent un nerf oublié dans la chair recousue. Ongle cassé qui s'accroche aux rêves soyeux de mes nuits.
Malgré le soleil qui s'embrase, et le parfum des mousses. Malgré les bouches douces et le vent vert.
Il est là, compagnon familier, ombre froide au creux des soleils irradiants. Toujours présent, vacillant entre vapeur et raideur.
Et je vis, survis, résiste.
Il est là, herbe folle aux racines en pivot dont les radicelles s'accrochent à la terre, survivant aux sécheresses et au gel qui fracasse tout en surface.
Je suis l'enfouie, au cœur d'argile, terre mère qui craquelle et se modèle.
Je suis là.
Sur cette Terre qui me porte, déversant mon âme morte en mots jaunis.
Il est là.
Nous, et ma vie, en argile qui se craquelle.

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28 septembre 2008

Hier, ou presque, à l'aube

A 5 heures 3O, il était bien venu au rendez-vous. Gruissan_001
Il fallait partir, rouler deux heures, pour ne surtout pas être en retard.

La mer a écarté ses habits de nuit, et le disque rouge a flamboyé.
Lui et moi, sur des rochers, et plus rien d'autre que ce soleil que j'avais eu envie de voir se lever sur la mer. Dans le silence qui s'impose parfois devant l'extrême beauté.

Une journée si simple, toute en harmonie, avec cette quête de cailloux, les petits, les blancs ou veinés, lissées par la mer ou cassés sur un rocher, parmi des milliers d'autres. Pourquoi celui-ci ? C'est le mystère de ceux qui aiment les cailloux... Il y eut les carpes, dans le gouffre, au creux d'un massif. Nous regardions leurs écailles, et je jetais des miettes de pain, m'amusant de voir ces poissons prisonniers de leur énorme mare goûter avec suspicion à cette nourriture étrange.
Tu vois, il n'y avait rien de vraiment extraordinaire. Une belle journée. Tout simplement rare et belle.
J'étais troublée, je sais maintenant qu'il l'était également.
Mais ce n'est qu'après, quand le quotidien a repris le dessus, avec sa lune croisée le matin dans un ciel encore noir. Après, quand on se dit qu'on aurait bien aimé qu'il voit ceci ou cela. L'autre manque.
Et c'est ainsi, sans même avoir goûté au creux de ma bouche la langue de cet homme, comme une adolescente, c'est ainsi que je me suis mise à l'aimer.

26 septembre 2008

Goutte d'eau sale

Ça a été comme un coup de couteau. Je n'en ai jamais reçu, mais je suppose que la douleur doit être la même. Aiguë et violente. Avant de perdre connaissance.
Je me suis dit ça, bêtement, me rappelant la fois où j'ai laissé un petit bout de doigt tomber dans l'herbe du jardin. La douleur avait été très brève, juste sur le moment. La lame avait tranché net. Ce ne fut qu'après les soins que les nerfs amputés m'avaient vrillée.
Là, ça a été pareil. Il y a eu ce mot qui a fusé. D'une vulgarité insoutenable. Une insulte à mon égard. Pour une poussière bizarre, dans un verre d'eau ; il s'était énervé et moi j'avais souri. Qu'est-ce qu'une saleté ? Rien. On vide le verre, on a cette chance, ici, de ne pas devoir aller au puits. Je souriais. Nous étions tous là, j'avais mis les petits plats dans les grands, pour fêter la fratrie réunie. Et il m'a insultée. Violemment. Dans un silence qui m'a anesthésiée. Je n'ai plus souri, plus rien dit, moi qui parle déjà si peu. J'ai été fumer une cigarette de plus, dans le jardin, en respirant comme on halète.
Mon fils. Oui, c'est bien ton fils, et tu as ta part de responsabilité. Son caractère lui est propre, et il est dur, oui, tu le sais, bien, sa maladie l'a endurci. Mais il t'a insultée. Avec une rage violente. Et c'est bien toi qui l'a éduqué.
Sans un remords, sans un regret, sans un mot d'excuse après. L'insulte était méritée, tempête dans un verre d'eau. Je n'ai pas su lui apprendre à respecter - au moins - sa mère.
Depuis je le regarde, aller à la fac, manger. Je le regarde parfois, quand il est trop visible. Et je réponds aux questions. Oui, non.  Et j'ai honte, une honte terrible, d'avoir éduqué un enfant qui peut insulter sa mère.
La sœur aîné a rajouté ceci ; "le silence aussi est une violence."
Le soir, à l'abri de la nuit, j'ai pleuré.
Je crois bien que je continue depuis, sans plus aucune larme, avec cette absolue douleur de ne pas comprendre ce qui sera pour toujours incompréhensible pour moi.

20 septembre 2008

Mon mode d'emploi

Tu ne peux pas comprendre, bien sûr ! Pour toi, c'est si simple. Nous irons voir le soleil se lever, demain, sur cette mer étrange qui n'a pas d'odeur. Et c'est tout. Tu as calculé, il faudra partir à 5h30. Et j'adore cette heure où la nuit est encore noire, où le sommeil se fait violence,  cette heure qui nous amènera vers la mer, si belle et encore grise, jusqu'à la lumière à venir. C'est simple, pas vrai ? Mais moi...
Si tu savais comme mes monologues sont bruyants ! Je ne m'aime pas, non, vraiment. Comment croire que tu puisses avoir envie de ma compagnie si peu aimable ? Alors je te bafouille que, bien sûr, ce n'est pas obligé. Que partir si tôt pour faire autant de route tous deux enfermés dans une voiture, que tu peux préférer dormir encore un peu... j'imagine combien cela doit être désagréable ces heures là, à ne partager qu'avec la compagnie que je suis... moi qui ne m'aime décidément pas...
Alors tu penses que je ne veux pas, mais que je n'ose pas l'avouer...Tu penses que c'est comme un caprice, moi qui te paraissais pourtant si heureuse de cette idée, avant. Avant que mes monologues ne m'assourdissent.
J'ai la haine de ces moments où ma stupidité m'entraîne. La haine de ces pensées solitaires qui gâchent le plus simple des moments. Demain, à 5h30, je t'attendrai. Et nous partirons. Je serai comme il faut, souriante, d'agréable companie... croyant désespérément que l'on ne peut m'aimer qu'ainsi.
Et si j'étais moi, pourrais-tu m'aimer ?

20 septembre 2008

Promenade

J'aime le goût si doux de poussière de pierre, qui tapisse les lêvres posées sur les roches brûlantes de soleil. La langue desséchée happe alors l'air et se gorge des limons de la source embourbée. Pubis des mousses bombées... où plonger le doigt et fermer les yeux, écoutant l'eau qui y bruisse en secret. Puis s'enivrer de l'odeur, celle de la feuille craquante, jaune, raidie dans sa fin de vie, que l'on pulvérise en la serrant dans la paume.
Et les bruits, partout, éclairant les silences opaques, les bruissements, les claquements sous les pas des grépins assemblés en tapis. Comme des plaintes aigües frémir aux grincements des pins aux écorces nappées de bulles parfumées.
Partir, et retrouver ce monde étrange aux odeurs acides d'un bitume noir aux accents d'arc-en-ciel.

11 septembre 2008

Lâche

Passible de peine incompressible, je m'accuse et plaide coupable. De cette indicible douleur passée au peigne fin par des agents policés, j'avoue ma totale responsabilité. Responsable et coupable.
Vous voudriez que je plaide ? Non, avocat commis d'office, remballez donc vos pilules dorées sur tranche d'enfance joyeuse ; le coeur aux principes actif gît dans l'adolescence. J'en connais déjà le goût amer. L'enrobage glacé de leurres vifs me donne envie de le suçoter, et ma langue se couvre d'une amertume tapissante. Qu'importe la nausée. J'aurai avalé jusqu'à la lie. Sans ferrir.
C'est ainsi.
Je m'enferre, m'enferme, me ligote aux mots crevés de peines trop lourdes s'envoler en paroles. Mon silence m'empoigne et vous nargue de tant d'absolue lâcheté. Passez votre chemin, ami, la route, ici, est un cul de sac où pourrissent les espoirs.

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