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Eau vive
31 mai 2007

Monsieur,

 je viens vous voir parce qu'il paraît que vous avez peut-être un décapsuleur. Celui qui laisserait ma siamoise se disperser hors des barreaux qui lui cisaillent la joie. Un décapsuleur d'âme, quelle chance vous avez si vous possédez ce trésor !
Je viens, contrainte et forcée. Je n'en ai même pas la force en réalité, c'est pourquoi je vous écris. Si vous me dites de m'allonger, je sombrerai dans le sommeil. Je fuis toujours dans le sommeil, vous savez. Je crois alors ne plus penser. Je n'en ai plus conscience, c'est ma paix profonde... Qu'en dirait donc Husserl ? Si la conscience de ma conscience n'est plus, suis-je encore humaine ?
Non, je plaisante, la philosophie est trop absconse pour moi. J'aime la littérature, toute simple et pleine d’odeurs, qui me fait voyager dans un autre moi, puis encore un autre.
Oui, je parle, je parle, de tout sauf des clés que vous entendez cliqueter dans ma poche… Que voulez-vous, il y a l’autre, derrière, l’autre que je n’aime pas, que je traîne en siamoise qui me broie l’intérieur. L’autre aime se taire. C’est pour ça que je ne vous parle pas, Monsieur, c’est trop difficile encore.
Ici, en quelques mots, je peux, tout écrire, tout dire en silence. Personne ne m’entend en réalité. Certains lisent les mots, mais ignorent tout du murmure de la voix qui s’éraille, des yeux qui se noient. Parce que c’est le seul problème que vous devez absolument résoudre. Je ne peux plus pleurer ainsi à la moindre question sur mes vacances, le week-end à venir et autre connerie de ce genre. Vous comprenez Monsieur ?
Vous savez ce qu’elle me dit ? Oui, elle. Que je dois absolument venir vous voir. Pour que vous me soigniez. Et que je dois être malade chez moi, pas au boulot. Que c’est anormal d’aller bosser et de pleurer là-bas, devant les autres. En réalité, je ne pleure pas tout le temps, évidemment ! mais elle dit que tout se voit sur mon visage. Elle oublie qu’elle voit tout, elle, parce que c’est elle, tout simplement. Et quelle entend tout de l’autre, la siamoise ! Vous lui direz ? qu’elle ne se fasse pas autant de souci ! Ça va passer, avant la fin de l’été.

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Commentaires
N
On n'en a pas parlé, mais… Pourquoi ne te résouds-tu pas à aller déposer tes silences là-bas, chez un de ceux qu'on paie pour qu'il/elle recoive ça. Et nous renvoie à nous, à la vie qui est tellement nôtre, en sortant de là.<br /> Oui Ptit Meuble, un passage chez l'ébéniste, ça ferait qu'un autre, un jour, ne te raboterait pas. Que la soufrance d'être morte, elle ne s'imposerait plus comme… Basta. J'ai honte de te dire ça devant tout le monde, moi !<br /> LaBiz, et merci grand pour la mer d'images ramenée chez moi.<br /> Naja
O
Vôtre (avec son couvre-chef, indispensable au vôtre, à votre égard) Mamajesté, écrire est encore ma seule parole d'ombre profonde. La lumière... comme un matador en habit, me fait encore trop peur...
M
Je vois que tu as commencé. Bravo. Derrière ton double mère-censeur, tu vas apparaitre et dire (ailleurs), dire la parole, celle que tu ne connais pas et qui est de toi. Même, elle est toi. Peut-être. Ailleurs, n'oublie pas : tout ne peut se dire, et même c'est impossible. Tu connais l'espagnol ? Lo que no se puede, no se puede. Y ademas, es impossible. (parole de matador, alors…) (citée par Francis Marmande, dans "A partir du lapin") Tu me diras "Matador ? Rien à voir !". Si : la mort. La part d'ombre. Je te souhaite sol y ombra, chère J'ose.<br /> Jean
P
aussi multiple que les gouttelettes de toi.<br /> Excellente soiré Miss :)
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