La bête
Elle ne me fait pas peur, et je n'écoute pas ceux qui conseillent de me méfier des bêtes blessées. Lèche tes plaies, rassure-toi de ces cicatrices que tu sais dans la chair, là, ces chairs profondes que nul ne voit.
Les mots te font peur ? Pourquoi, parce que tu les as déjà dit ? parce qu'ils t'ont fait souffrir ? Parce que tu ne sais plus ce qu'aimer veut dire ?
Alors, pour toujours, glisse-toi donc dans ce mépris, dans cette caricature du silence où les paroles sont si stériles qu'elles ne peuvent que mourir d'ennui.
Moi j'y crois. J'y crois toujours.
Mes plaies, je les aime. Comme autant de mots tracés dans mes chairs par des doigts aimés. Je les savoure, elles sont belles à ma mémoire, elles me rassurent, me rappellent que j'ai aimé. A en souffrir, à en mourir, j'ai aimé. C'est si beau, si vrai, d'aimer.
Écartelée entre hier et aujourd'hui j'ai tranché dans les chairs putrides.
Je suis là, debout.
Lionne efflanquée qui ne craint que de ne plus jamais aimer.