La répétition
C'est peut-être parce qu'il m'a trouvée malgré tout attachante ? Ou que mon attitude lui a paru trop stupide pour que je le sois vraiment à ce point ? Notre histoire méritait une seconde chance ? Je ne sais pas. Mais il a bien fait...parce que je n'aurais jamais appelé, moi.
Quand le téléphone a sonné je n'ai pas reconnu le numéro. Je n'avais pas regardé
le numéro, plutôt. Sur mon fixe ce n'est pas de la haute technologie où je
saurais qui... Non, je décroche et dis "Allô" sans sourciller.
Lui, en un seul mot j'ai su (...) avec son accent de l'autre bout du
monde qui me fait me sentir Wanda. Ça ne s'explique pas.
J'ai écouté, ai eu de la flotte dans les yeux, ai ri, me suis renfrognée, ai dégluti. Et murmuré "oui".
C'est vrai, il avait raison. Oui, à 100%... Et c'est à cause de ma stupidité si étrange qu'il a fini par comprendre que j'avais préparé un tas de mots soigneusement inventés, que je les avais mastiqués comme un âne toute seule dans mon coin et les avais avalés. En réalité, il n'a pas dit "mots", il a employé un terme beaucoup plus crû. Mais qui était fort compréhensible. Il a dit "merde". Ce qui était vrai.
Il me les a fait répéter les vrais mots qu'il avait dits, pour que je m'en souvienne ; "On va en Espagne deux jours puis on prend l'avion pour le Portugal".
J'ai répété, même si je m'en souvenais parfaitement ! Puis ai rajouté que je n'y avais pas vraiment cru parce que, avec ses amis Y et Z, était convenu (...) Là, presque, il s'est fâché. Et m'a rappelé que 24 heures qui étaient déjà prévus ne changeait rien à notre histoire à nous. J'ai dégluti de nouveau, dit "oui".
Avec lui j'ai l'impression que je vais devoir le répéter ce mot. Ce que les hommes n'aiment globalement pas, qu'on ne les croit pas. Et bien, je ne crois pas souvent. Surtout quand ça me fait trop plaisir.
Quand il m'a demandé de passer la nuit chez lui, j'avais donc prétexté un dîner, et un rdv le lendemain, qui n'avaient bien sûr pas lieu. Je me sentais "femme de nuit" dans sa demande... Là encore il m'a fait répéter. Et a ri. Ce qui m'a presque mise en colère. Je veux bien dormir avec lui, c'est même délicieux, mais là... j'ai cru que je n'étais avec lui que pour ça.
Alors il m'a raconté ; la bouteille de champagne était au frais, un plan du Portugal sur la table et les vélos pour aller voir le coucher de soleil sur la colline avant.
Oui... Je me suis trompée... Et merde.... Les vacances sont finies, maintenant. Pan sur les doigts, j'ai eu ce que je méritais. L'histoire se répète qui me fait tresser les promesses offertes en bouquets amers.
Alors je lui ai demandé d'arrêter, parce que c'était un peu difficile pour moi. Et il a arrêté. A dit que la bouteille était toujours au frais.
C'est là que j'ai dit "chouette". Comme une gamine. Un "chouette" qui n'avait aucune raison d'être et qu'il m'a fait répéter tant il était incongru...
- "Chouette" j'ai dit ! Chouette on va se revoir. "
Et il a ri. Je donnais dans le flirt, j'oubliais que j'étais une grande compliquée.
Ma vie à l'envers, un point à l'endroit, un point égaré.
Il a récupéré l'ouvrage que j'avais soigneusement détissé.
Maintenant il va falloir concilier la distance, ses déplacements professionnels, ma grippe et mon confinement.
Et ma tendance à ne pas croire au bonheur. Et ça, c'est le plus difficile.