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Eau vive
7 août 2007

Noir

J'ai noirci les feuillets, encré les pages, tâché ma fiche d'identité en Chine indélébile, cultivé les grains de beauté et les bleus à l'âme qui noircissent l'humeur, j'ai râturé le livrets de famille de ces vies qui ne me convenaient plus, et repeint en blanc les murs.
Les pinceaux sont lavés.
Les feuillets brûlés.
Je dois trouver la lumière qui décomposera en un spectre arc-en-ciel les moments qui se figent en mélancolie terne.
Je dois allumer dans mes yeux les étincelles qui font flamber les heures et scintiller les braises.
Je dois sauter dans la flaque et éclabousser ma vie.
Et cesser de porter le deuil d'un amour mort de n'avoir jamais vécu.
Comme un pion de Go, me retourner, de noir à blanc.

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5 août 2007

Blanc

J'ai tiré les meubles, décroché les tableaux, aspiré les poussières, lavé les taches, accroché de vieux draps au sol, installé l'échelle, remué la peinture, transvasé la quantité adéquate dans un récipient, enfilé ma tenue de combat, grimpé sur l'échelle, tiré les bras et la langue en même temps que le rouleau, juré quand la peinture a coulé tout doucement le long de mon pantalon jusqu'à faire une jolie flaque au sol, bu trois café, fumé des cigarettes au goût de peinture, eu tellement mal à l'épaule que j'en suis devenue gauchère, continué, jusqu'au recul disant c'est ok, lavé les récipients, le rouleau, le pinceau, nettoyé le sol au vinaigre, aspiré le recto des tableaux empoussiérés, planté les clous, vissé les vis, raccroché les tableaux, poussé les canapés.
Et je me suis assise. 

C'est blanc, c'est propre, c'est vide.
Comme ma vie.

J'irai faire du roller, dégouliner de transpiration, mordre ma langue, rire aux éclats, masser mes pieds endoloris au bord de la route, boire un verre, grignoter des chips, avoir plein de potes pour rigoler un coup, parler de la dernière sortie moto, de la prochaine auberge espagnole.

Et je m'assiérai sur mon lit, le soir.
Mon lit blanc, propre et vide.
Comme ma vie.

Et peut-être des larmes viendront-elles y déposer leurs cristaux blancs.

2 août 2007

Non !

Le cri avait déchiré le silence.
Les enfants dorment, le nez irisé de sueur la bouche palpitante, les doigts glissés dans les plis chauds de leur pyjama.
Le feutre de la nuit s'est déchiré.
Elle avait crié, le corps cambré, la bouche suffocante. Elle ne voulait pas, se débattait encore dans sa nuit lourde qui la protégeait du sommeil de l'aube. Son cri familier la maintenait en vie, ses peurs s'envolaient dans le torrent de son cri. Elle avait crié et le son rauque ricochait sur les troncs noircis. Elle dormait et son corps luttait. Sa peau dressée de ses pores rétractés, sa bouche aspirant un souffle tiède saccadé, ses yeux en ondes violentes sous les paupières closes.
Une main se posa sur sa joue.
"N'ai pas peur, je suis là".
Elle gémit, sourit et referma le silence au creux de ses bras.

31 juillet 2007

Goutte à goutte

Le poing s'est refermé, l'os brisé a transpercé la paume.
Et je souris.
Très doucement, un voile rouge au fond de la gorge,
le poing serré en goutte à goutte des espoirs brisés.
J'ai perdu.
Et dans l'arène, le silence a tranché sur mon sort, le pouce disparut dans la main.
Le jeu est fini.
La tête haute, la nuque raide de ma fierté paralysée, le pied enlisé dans cette terre de lumens, le poing serré.
C'est la fin.
Et je souris.
Mes yeux se plissent tendrement, les phalanges blanchissent sans bruit.
Ne dis rien, non, rien.
Mon regard est vide,
et je souris,
le poing brisé.

13 juillet 2007

Maladie mortelle

Elle est parfaitement invisible aux rayons X. Et il n'y a guère de marqueurs à décompter, ni de cellules à greffer. Nulle chimiothérapie, radiothérapie, protocole et autre. Il n'y aura pas de rémission.
Les cellules sont atteintes d'un carcanserre malin, qui les fait se rétracter jusqu'à l'asphyxie. Une à une. Jusqu'à la mort.
Une à une.
Soixante milliards de cellules.
La maladie est mortelle, longue et douloureuse. Mitose cellulaire inversée qui hypertrophie de façon galopante, les anticoeur nauséeux au garde à vous, prêts à déposer les armes.
De toute façon, quand on a la santé, la maladie, on s'en fout, pas vrai ?
On a les joues roses, les dents blanches, la peau brugnon et les oreilles en dessin de foetus. Les doigts de pieds avec des crampes banales, les genoux qui s'articulent, la taille marquée et les fesses raffermies. Les lèvres souples, la langue rose, les paumes chaudes. Parfait pour pédaler. Et rire, boire, danser. Sans jamais vomir.
Mais le carcanserre malin est là, avec ses cellules insidieuses, bien ordonnées, qui crèvent une à une. Lentement. Parfaitement lentement.
Souriez, vous êtes vivant.

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5 juillet 2007

Vous ne le savez pas encore

Demain, à l'heure où l'aube est à peine dissoute, où la lumière trace des ombres claires, demain, vous me rejoindrez, à cette terrasse de café familière. Les croissants, encore deux je vous prie, la mousse amère, le livre feuilleté, tout a déjà été filmé. Toi aussi, tu veux un autre café ?
Demain, nous longerons le canal. Vous regardez mes hanches qui se balancent, ma tête qui se penche, et nous nous rabattrons, penauds, pour laisser filer les cyclistes avertis et pressés.
Vos joues auront une couleur plus vive quand je m'approcherai de l'accueil, précisant les heures, notant un code robotisé. Vous me suivrez sans dire un mot. Vous détestez ce couloir, n'est-ce pas ? Vous fermerez la porte, et j'entendrai votre soupir imperceptible, celui de vous sentir enfin en sécurité.
Vous m'enlacerez, vous me serrerez plus fort que jamais. Car vous craignez les heures qui s'approchent où je disparaîtrai pour toujours. Ces heures qui m'apaisent et vous oppressent.
Vous me direz des mots si beaux, des caresses si douces, que ma peau en crépitera étincelles, et mes soupirs vous enivrerons. Vous m'aimerez, me lirez de la poésie, vous me ferez rire et m'émouvoir de vos yeux qui s'embuent si souvent. Vous ferez semblant de croire qu'aimer est étrange et vain. Vous vous raccrocherez à vos certitudes qu'un avenir aurait été impossible. Et vous m'aimerez de toutes vos forces, de vos mots de manque, d'amour. Comme d'habitude.
Demain sera la dernière fois.
Mais vous ne le savez pas.

25 juin 2007

...

Tu sais, maintenant.
L'amour a étranglé ton cœur de sa fine liane de cuir.
Tu as appris, si doucement, sans voir que la source légère où tu barbotais était devenue torrent où tu perds pied.
Tu aimes.
Je savais, avant.
L'amour avait enroulé sa liane fine autour de ma gorge, et je suffoquais.
J'ai appris, les courants en tourbillons et l'apnée, j'ai appris à nager entre deux eaux.
J'aime.

Tu as peur de ces jours qui se rapprochent et tracent la fin. Tu ne veux pas. Non, non. Pas ce jour là.
Je souris de chaque heure, et le poids du chagrin qui se dissout me rend enfin douce et paisible. Car je n'ai plus mal, je sais que je vais être délivrée de toi. La mue s’est achevée, je ne suis plus à vif.
Comme tu as changé, mon aimé. De m’aimer.
Tu me remplis de paix, car je sais maintenant que tu respecteras le silence que je te demande. Tu as mal, je le sais. Tu as mal, comme j'ai eu si mal. Pour la première fois tu me demandes pardon de tes appels, quand je voulais oublier, de mes mots qui t’habitaient. Tu me demandes pardon pour tout ce que tu n'avais pas vu, et qui t'aveugle maintenant. Cela n'a plus d'importance, mon pardon serait vain. Mais je te crois. 

La fin approche.
Comme une mort rêvée, où l'on peut dire, avant, "je vous ai aimé".
Sans douleur, sans remords, sans regrets.
Je vous aime, Monsieur, pour tout ce que vous êtes et ne m'avez jamais offert de vous.
Vous m’aimez, Monsieur, pour tout ce qui vous blesse de ne jamais m’avoir offert.
Vous êtes enfin vrai.

22 juin 2007

Pavés de verre

J'ai fouillé sous la vase, là où les transparences ont perdu leurs lumières. Là où les lamelles translucides et cassantes ont soudé leur fragilité en un bloc de verre épais et sombre.

Au fond du gouffre, je ne suis plus en déséquilibre. Je ne perds plus pied dans les sables mouvants trompeurs : ils ont flambé au bûcher des hypocrisies. Et leurs cristaux tranchants se sont dépolis en éclats lisses où ma force s'érige.
Je ne vous entends plus par le prisme déformé de mes sentiments au parfum sulfureux de sainteté laïque. J'ai revêtu la robe de bure rêche de mes vérités camouflées. Sous mes dessous soyeux, mon âme, en pavés de verre épais. Mon coeur froid et lisse, silice où glissent vos larmes et vos voluptés.
Oyez, oyez ma rage de m'entendre m'assourdir de me mentir, à vous-même, à moi-même.
J'ai entendu l'écho de mes hypocrisies, le mépris assourdissant de mes amours décomposées en tromperies. Entendu, jusqu'à perforer la dentelle mitée de mes amours défuntes, de mes amours lumens, de mes plaisirs peaufinés. De vos désirs acides enrobés de miel. Vos mots ont un parfum de soufre.
Les évangiles selon ma vérité se tracent en rayures grinçantes, en vapeurs assassines.
Et l'eau bénite de ma force vive vous brûlera la bonne conscience.

14 juin 2007

Non, vraiment

Il ne faut pas vous inquiéter.
Regardez, là, au-dessus de vos pensées pour moi.
Je suis un ciel. Un ciel, comme d'autres sont Océan. Gris d'orage, ou dénudé de tout nuage, un ciel mouvant, qui s'éclaire parfois à la nuit ou qui se drape derrière une cape de brume cotonneuse. Menaçant et tonnant sa rage, épais ou volatile. Mais je suis toujours là. La même, sous tant d'aspects, tant de peaux, tant de mots. Un ciel qui n'a pas encore pris sa couleur d'été, ses parfums légers.
C'est juste que j'ai perdu le goût de gonfler les voiles de bateaux ivres, le goût de souffler comme l'autan, de jouer au vent malin, au vent fripon. Je n'ai plus de vents, et les courants sont descendants, je vous le concède. Mais cela reviendra. Comme une brise qui se lève alors que l'air est si lourd qu'il habille la peau de chaleur moite. Vous verrez un petit mot frais soulever les voiles des phrases gaies, vous entendrez les feuilles tendres jouer une berceuse frivole, vous sentirez le parfum vert du figuier qui se jouera dans les rimes folles..
Je connais déjà un lutin qui écrit des mots d'arc en ciel, et je sais l'histoire des couleurs qui finissent par se fondre en lumière. Alors ne vous inquiétez pas, mon ciel d'orage menaçant laissera toute la pluie tomber en déluge, un soir, bientôt. Il est un peu lourd à porter, ce plafond de nuages, mais il partira loin de moi, et je redresserai ma nuque et sourirai.

10 juin 2007

Drôle de je

À trop frotter ma peau, elle se desquame en particules électriques, et ses crépitements secs troublent le silence de la paix.
À trop frotter mon corps avide, j'ai égaré le goût du désir. La chair a déserté le squelette qui se joue en ombre chinoise d'une silhouette dégingandée.
À trop mordre ma bouche, ma langue blessée s'est réfugiée au creux sec du palais. C'est la saison morte, et les mots desséchés finissent en tourbe brune et acide.
À trop jouer de mon coeur, il est devenu sporadique et cogne sans discernement du temps.
À trop me mentir j'ai perdu ma confiance, au fond d'une vérité qui n'existait que dans mes rêves.

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