Son colocataire lui posait des problèmes maintenant. Ils cohabitaient tant bien que mal depuis des années, mais les règles avaient subrepticement changé sans qu'elle ne lui donne son accord.
À l'origine, elle avait pensé que son territoire n'avait nul besoin d'être partagé, puis elle avait fait contre mauvaise fortune bonne grâce. De toute façon il était arrivé sur la pointe des pieds, et elle n'avait pas bien réalisé, au début, qu'il n'avait pas la moindre intention de la laisser toute seule. Malgré les promesses. Oh, elle s'en souvenait très bien des discours rassurants !
- Dans un an on n'en parle plus, je serai parti ! Et puis je me ferai tout petit, je nettoierai tout.
Il avait même engagé une société de services qui s'occupait de laisser ses lieux en bon état. D'accord, parfois elle trouvait que le nettoyage était drastique. Pensez donc, impossible pour elle de remettre la main sur certains petits objets qu'elle laissait souvent traîner. Les barrettes et les chouchous pour ses cheveux, par exemple. Disparus ! Mais elle lui faisait confiance, globalement. D'ailleurs certaines choses avaient été positives. Fini de ne manger que des cochonneries. Elle était passée au quasi biologique en douceur. Quand elle sortait au restaurant ou chez des amis, elle dévorait ! Presque en cachette ! Un comble....Et puis il avait un tel tempérament qu'elle avait appris avec lui à voir tous les meilleurs côtés de la vie, pas les bobos du quotidien. C'était quand même sacrément positif, malgré tout !
Et elle continuait à cohabiter avec lui sans trop ronchonner.
Depuis six mois les choses s'étaient pourtant dégradées. Son colocataire laissait des traces de plus en plus déplaisantes. Ses cheveux dans le lavabo, ou même des souillures, ce qu'elle détestait profondément. Il s'était installé et maintenant elle se sentait envahie. Elle regardait son espace vital qui s'amenuisait, n'avait trouvé pour l'instant comme seule solution que de partir de plus en souvent hors de chez elle. Elle était devenue l'incontournable de toutes les fêtes possibles ! Barcelone, Paris, Londres, elle en profitait pour rire de tout son saôul, comme une gamine qui sort en cachette !
Mais il lui fallait bien revenir.
Pour elle, qui m'a dit, en partant de chez moi ;
- N'efface pas toutes les photos, pour garder un souvenir.
Elle, dont le territoire de vie s'amenuise. Et son rire n'y peut plus rien.
Elle doit vivre avec ce colocataire envahissant, ce cancer qui grignote tout.