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Eau vive
11 mars 2008

Un bruit salé

J'ai le coeur en taffetas de moire, voilage en soupirs de vibrations irisées. Ni tout à fait le même, jamais, mais singulièrement semblable à lui même. Je ne m'y égare plus guère, dans ce coeur aux couleurs mouvantes. J'y drape ma nudité si crue, pour que jamais elle ne soit visible à l'autre.
Je suis arc en fiel de douceurs fondantes, arc boutée d'une flèche sanglante qui m'a transpercée.
J'ai des pensées en plumetis de velours. Petits pois duveteux s'accrochant aux doigts fissurés de désirs trop abrupts. Et les mailles se desserrent, où un filet de joies douces cascade en ruisseau, chantant mon impuissance à désaltérer ma soif.
J'ai l'amour en tunique de bure qui raye la soie, même elle, la soie lourde de mes émois.
Fermer les yeux, laisser la nuque flancher, là, et pleurer à en mourir de sentir la vie qui se bat, et bat et bat, dans un bruit salé.

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9 mars 2008

Un ogre si doux

Il y avait le clapotis de l'eau dans la bouillotte. J'étais si bien, là, doucement lovée autour de sa paroi si chaude et moelleuse. J'étais l'enfant qui n'a plus peur de l'abandon, les yeux clos, contre le sein de sa nourrice gonflé de lait tiède.
Et il y eut le bruit mat de ta larme qui est tombée. Là, elle a coulé, presque sans un bruit,  comme si un désert l'aspirait. Je crois que c'est juste le soupir salé de ton chagrin que j'ai entendu.
Alors j'ai serré encore plus fort ma bouillotte de caoutchouc. Ma bouillotte en joli leurre recouvert de polaire douce. Bleue, avec ses pois multicolores qui faisaient semblant de jouer à être gais.
Et toi, vêtu de noir, avec cette saleté de trace humide sur ton visage. Mon coeur se serrait de plus en plus fort contre ma bouillotte. Barreaux de prison qui clapotaient, menottes duveteuses pour retenir tout geste vers toi.
Je ne pouvais pas. Non, non, non. Si je t'avais pris dans mes bras, tu aurais pleuré. Vraiment pleuré. Pas laissé un saleté de goutte se croire larme.
Et j'aurais éclaté en sanglots de te laisser croire que tu pouvais endormir ta peine au creux de mes bras.
Parce que le chagrin qui me dévore est un ogre qui n'aurait pas résisté à l'envie de te broyer toi aussi.

6 mars 2008

Colifichet

Moi je m'en fous bien de cet extra-ordinaire. Je ne suis pas une plaquette de beurre ou un croissant boulanger.
Moi, ce je voudrais, c'est être précieuse.
Comme un colifichet en toc, une bague de fer blanc, un émail piqueté par le temps. Si précieux que sa perte serait cruelle.
Je ne veux pas que l'on m'adore. Je préfère être jetée aux orties et que tes mains me passent un baume si apaisant que les cloques seraient baisers exquis.
Je ne veux être que ta compagne précieuse, celle que tu toucheras parfois sans y penser, juste pour t'assurer que mon sourire en toc te tient compagnie et qu'il est pour toi seul métal précieux.

5 mars 2008

Autophage

J'ai le coeur qui a faim, et ça gronde dans mes cotes comme un train fantôme de fête foraine. C'est assourdissant, un coeur qui a faim. Ça se contracte et se tord, sécrète de l'acide pour mieux digérer la bouchée à venir. Ça attend patiemment. Le coeur qui a faim est raisonnable. Il ne prend qu'une bouchée, une seule, pour éviter la nausée fielleuse; il a dû mourir, dans une autre vie, d'une overdose.
J'ai le coeur boulimique, entre deux anorexies. Ce doit être l'instinct de survie qui lui creuse l'appétit, de temps en temps, avant que les ventricules ne percent la paroi amincie.
J'ai le coeur dévoreur.
Faut qu'ça saigne, faut qu'ça tranche, faut qu'ça palpite encore.
J'ai le coeur autophage, qui ne se dévore que peu à peu, pour ne pas mourir trop vite.

Et ça fait mal.

26 février 2008

Encore debout

La peine insidieuse suinte d'odeurs acides, pendant que les tourments taisent leurs hurlements viscéraux. Ce n'est rien. Un chagrin en flocons de ouate douce, en ruban de vieille dentelle qui jaunit et se délite inexorablement. Cela me colle à la peau, à l'humeur, cela me tatoue le sourire de ricanements silencieux.
J'ai la haine qui se déguise en amour, la peur de vivre en rage à vivre.
Et je casse de mes ongles la croûte de terre qui a durci, plonge mes doigts dans l'argile sèche, écorche mes empreintes sinueuses sur le gravier aigu. Tentant de blesser mes chairs pour oublier cette douleur qui déchiquette les bonheurs simples.
Je l'entends.
Elle s'approche de moi, froide et chuintante, de son pas feutré.
Non, je ne veux pas que tu viennes, s'il-te-plaît. Je ne suis pas prête, pas ce soir, pas là, c'est encore trop dur.
Le tempo de ma peur chavire au rythme de son pas de loup, sous la lumière dorée de la lune. Et mes paupières se soudent pour rassembler mes forces et me taire devant elle.
Sa main brutale se colle à mes seins, broyant mes poumons jusqu'aux osselets de mon dos. Je n'ai pas encore assez mal, j'ai peur, juste ça. Elle me broie, lentement, si lentement, et mon souffle s'affine en un sifflement rauque. Jusqu'à la souffrance qui submerge en un tour de rein la digue illusoire. Elle a gagné.
Au creux de la nuit, pelotonnée dans la tiédeur moite de mon corps recroquevillé, je laisse les sanglots épais déchirer mes rêves.
Demain je serai debout.

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20 février 2008

Supplice

Écorchée vive de l’absence de ta bouche,
suintant de cristaux de sueur amère

Tu imbibes de frissons pourléchés
ma mémoire qui se délave
- troubles blêmes -

Et la mousse spongieuse
assourdit le cri rauque de mes nuits.

17 février 2008

6 mois et 14 jours

Il y avait tant de monde sur le quai. Toutes ces valises partout, les parents inquiets qui cherchaient le bus dans lequel leur enfant devait monter. C'est vrai que c'était tôt, pour un dimanche. Il était sept heures, ce matin, avec un petit vent bien frais qui s'infiltrait dans les cols. J'étais emmitouflée jusqu'au bout de mon chapeau.
Toi, tu as d'abord vu ma fille. Et tu as espéré, et craint tout à la fois.
Puis je t'ai vu, là, devant moi. Trois petits mètres entre toi et moi.
Et la foule tout autour s'est dissoute brutalement. Tu étais là, si près de moi. Il n'y avait plus que ton regard, et cet énorme silence partout autour. Me détacher de tes yeux... il fallait que je tourne la tête. Vers elle, et l'embrasser, et lui sourire.
- Bon voyage, à bientôt ma fille !
Toi aussi, tu faisais les mêmes gestes.
Et nos enfants sont entrés dans cet autocar aux fenêtres fumées.
Nous avons marché lentement, tellement lentement !  l'un vers l'autre.
Quel film ! Panoramique, zoom. Coupez, elle est bonne.

D'autres nous regardaient, qui savaient, qui nous connaissaient, d'avant que nous nous quittions, d'avant que je ne te fuis, dans cette robe aux fleurs parme.
S'approcher et pour la première fois t'embrasser sur les joues.
Six mois et treize jours , toile arachnéenne de l'absence.

- Bonjour. Oui, allons boire un café.
- Deux doubles s'il vous plaît et deux croissants. Oh, c'était bien ça que tu voulais, au moins ?
Nos rires. Et nos larmes.
- Je t'aime.
- C'est le plus dur, tu sais. Être aimée c'est si facile ! Mais aimer... Oh, que c'est dur de t'aimer. Six mois sans te voir, sans t'entendre. J'avais tellement peur d'avoir oublié ta voix.
- Tu ne m'as donc pas oublié ?
- J'avais peur que tu ne m'aies oubliée.
- Laisse moi embrasser ta nuque, là, juste derrière l'oreille.
- Ton odeur de poire verte !
- Tu me manques tant.
Je pense à toi. Chaque jour.
- Je regarde toujours, là, sur le pont... si jamais...
- Je regarde toujours, là, le long du canal... si jamais....
- Tu es dans mes pensées, chaque seconde.
- Tu es en moi. Là, sans cesse en moi.
Oui, allons dans un autre café. Comme avant. Quand nous étions (...) Rien, nous n'étions rien, viens..
- Es-tu déjà retournée là-bas ?
- Oui, une fois, et elle m'a dit que, toi aussi...

La semaine prochaine, sur le quai, je fermerai les yeux pour ne pas te voir.
Toi, que j'aime et qui manque à ma vie.

 

6 février 2008

Nausée

Les mots frelatés ont laissé une coulure sale sur les vers
et la poésie a fui dans un relent d'encre décomposée.

J'ai tout lu, et même la pulpe de ceux-là ,évidés des graines d'émotions.

L'amour alourdi de préservatifs a troqué son habit de lumière
pour une coque interchangeable en polyuréthane recyclable.

J'ai aimé, pourtant, et les vers s'en rient, qui rayent les voyelles.

Le temps se compose, sept notes, donnez-moi le la, 
celui de la lassitude des pas qui s'en bémolent et biaisent.

J'ai écrit, et aimé, et crié, bouche avide de mots à vomir.

14 janvier 2008

Fer

Les faux-plis de ma vie,  je le sais bien, moi...
Ceux qui saillent dans mes rondeurs alanguies, ceux qui rayent ma langue de mots jamais dits, ceux qui lancinent, m'assourdissent et m'empêchent d'entendre ...
Mes faux-plis, en vagues joyeuses, voile de sucre glace scintillant. Fondant sucré qui me nappe. Et mes baisers de miel. Et mon coeur nauséeux de cette gourmandise aveugle.
Je me pare de cette vie d'émois froissés, qui cognent sans relâche à ces aspérités mal repassées.
Mon coeur a pris un faux-plis, je suis un pierrier et tu y vois une princesse au petit pois. Tu décomptes les bleus rigolos à ma peau, leurre! leurre te dis-je, j'ai le coeur lourd d'un caillot outremer.
Comme une lance, pour ce combat qui n'est que le mien, j'ai saisi le fer, me suis regardée dans le reflet brillant et brûlant. J'étais prête. Et les nuages de vapeur chuintaient.
Je me suis allongée sur la table à repasser les vies froissées.
Mais il me manque le savoir-faire.

9 janvier 2008

Tourbillons de la vie

C'est parce que vous ne m'avez pas demandé de choisir que je l'ai fait.
Je ne pouvais plus vous regarder l'un, l'autre, mon Jules, mon Jim, et ne pas avoir mal de l'absent si présent par son silence. Mal de me mépriser de moi.
Je vous aime tant tous les deux, oh ! c'est tellement bon de vous aimer tous les deux ! Vous qui savez l'existence de l'autre. Mais comment donc faites-vous pour accepter l'autre ? c'est la seule réponse que je n'aurai jamais, puisque je ne peux vous poser cette indigne question... L'un, l'autre, et mon choix inévitable à faire.
Mon Jules, qui me fait danser toute la nuit, moi qui ne sais pas danser à deux, et qui est si fier d'être à mes côtés. Toi qui t'en fous que les autres te voient me dévorer des yeux, tu l'assumes, tu m'as dans la peau. C'est beau comme du Piaf, c'est phéromonique. Et nous éclatons de rire. Oui, à la première minute, tu as su. Les hormones ont un parfum insoutenable. Et nous nous enivrons de cet attrait qui nous soude des heures durant quand tu me prends.
Mon Jim, toi dont les doigts magiques jouent dans des cathédrales de pierres froides. Toi qui fais vibrer les murs si hauts, et mon coeur aussi,  qui chavire. Toi qui m'apporte cette tasse de thé brûlant aux arômes ciselés, pour parfumer mes rêves. Toi qui caresses mon corps comme s'il était argile douce, sans relâche. Toi qui dis "je ne te demande rien, voici mes clés".
Mon Jules, je t'ai dit que je partais de ta vie, que je te devais ce respect. Et tu ris fièrement, et tu m'écris des mots beaux comme du Jules et Jim, et tu m'attends demain soir, pour ces dernières "petites affaires" à échanger. Je ris d'amertume quand tu me dis ton string léopard et ta peau de tigre pour nous clouer en régime moqueur et anéantir nos ardeurs...puisque j'en ai décidé ainsi.
Mon Jim, tu m'attends. Je suis là, tu savais bien que je ne pourrais davantage ressembler à cet homme qui me prit pour maîtresse deux années durant. Tu le sais bien, je ne suis pas capable de chantonner  comme ça, sans me noyer dans ce tourbillon ...

Jeanne moreau - les tourbillons de la vie
Extrait tiré du film "Jules et Jim" de François Truffaut (1961) , avec Jeanne Moreau, Henri Serre, Oskar Werner. D'après le roman de Henri-Pierre Roch.

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